par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)
Qu’il travaille sur les projets des autres (le Maurice d’Anne-Marie Olivier, l’Antigone du Trident, le Foreman de Charles Fournier) ou ses projets bien à lui, ceux de son Théâtre Kata (Doggy dans Gravel, Made in Beautiful (La Belle Province), La Pudeur des urinoirs, Pisser debout sans lever sa jupe), Olivier Arteau est de ces artistes rassembleurs à la démarche singulière, un créateur/metteur en scène qui pourrait donner l’impression qu’il trouve la forme tout aussi importante que le fond mais pour qui ce fond (le propos, le texte, la matière première) est clairement le carburant, le moteur, la locomotive.
Nommé l’an dernier nouveau directeur artistique du Théâtre du Trident (il dévoilera sa première saison, 2023-2024, dans les prochaines semaines), succédant à Anne-Marie Olivier, une de celles qui lui aura permis de déployer ses ailes, Olivier Arteau représente parfaitement la valeur des résidences de création. Lorsque l’on donne à des artistes de son potentiel, de sa trempe, de son calibre la chance de créer dans les meilleures conditions, généralement, les résultats sont probants.
Avec Pisser debout sans lever sa jupe, on reconnaît l’écriture d’Olivier Arteau, les dialogues cinglants et ciselés qu’on savourait déjà dans Doggy dans Gravel et Made in Beautiful (La Belle Province) mais plus que jamais, on a l’impression que «now, it’s personal». C’est qu’après sa toute aussi personnelle exploration La Pudeur des urinoirs, essai performatif créé en vitrine du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui avec son complice Fabien Piché et auquel j’ai aussi eu la chance d’assister, Olivier Arteau et son Théâtre Kata sont devenus plus que jamais un vecteur de diffusion pour sa communauté, pour cette famille théâtrale qu’il a rassemblée autour de lui.
Ainsi, Pisser debout sans lever sa jupe, c’est un spectacle en deux temps, d’abord un rassemblement de vieux amis autour d’une table (qui fait penser à la fois à la famille de Made in Beautiful et aux filles de Lignes de fuite ou celles de Table rase de Catherine Chabot), où fusent les échanges pur-Arteau et ensuite une série de témoignages qui se traduisent parfois par des monologues, parfois par des chansons, parfois par la danse ou du théâtre gestuel hautement symbolique mais combien parlant.
Comme dans les œuvres précédentes d’Olivier Arteau, Pisser debout sans lever sa jupe balance entre humour caustique et coups de poing au plexus, exploitant tout aussi bien le timing comique d’Ariel Charest et de Vincent Roy que leur déchirante capacité à émouvoir, les talents musicaux de Jorie Pedneault (a.k.a. Narcisse, en plus d’être complètement désarmant dans son monologue d’une grande poésie), Vincent Roy et Sarah Villeneuve-Desjardins dont la dernière «chanson» est une véritable merveille de prouesses vocales que les talents chorégraphiques et d’interprète de Fabien Piché (jeu et danse). Dirigés avec finesse, sensibilité et rigueur par Arteau-chef-d’orchestre, chacun des interprètes-complices apporte sa pierre précieuse pour construire cette superbe cathédrale hommage à l’individualité, à la diversité, à l’inclusion, à la vérité de l’individu.
Pisser debout sans lever sa jupe a quelque chose de magique comme le Si vous voulez de la lumière de Florent Siaud présenté parallèlement au Théâtre Prospero. Des univers certes parallèles – deux lignes droites qui ne se rencontreront jamais – mais qui ont de semblable cette harmonieuse symbiose des créateurs, des interprètes-créateurs réunis autour d’un projet rassembleur qui ne peut que toucher droit au coeur, faire du bien à quiconque se laissera happer. Un véritable cadeau pour la communauté LGBTQ+ au grand complet et qui doit être vu par le plus grand nombre, question de répandre l’amour, l’ouverture, l’authentique, le beau.
Pisser debout sans lever sa jupe
Texte et mise en scène: Olivier Arteau
Interprétation: Ariel Charest, Laurence Gagné-Frégeau, Fabien Piché, Zoé Tremblay-Bianco, Lucie M. Constantineau, Vincent Roy, Sarah Villeneuve-Desjardins, Jorie Pedneault (Narcisse)
Assistance à la mise en scène et direction de production: Lucie M. Constantineau
Regard extérieur: Anne Thériault
Scénographie: Églantine Mailly
Éclairages: Claire Seyller
Costumes : Wendy Kim Pires
Collaboration aux costumes: Annabelle Roy, Élène Pearson
Conception sonore: Vincent Roy, Sarah Villeneuve-Desjardins, Jorie Pedneault (Narcisse)
Chorégraphies: Fabien Piché
Dramaturgie: Sasha Dion
Vidéo: Laura-Rose Grenier
Sonorisation: Didier Bergeron
Direction technique: Guillaume Lafontaine-Moisan
Réalisation et montage de la bande annonce: Eliot Laprise
Une création du Théâtre Kata en codiffusion avec le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui
Du 2 au 11 mars 2023 incluant 2 supplémentaires les 7 et 8 mars à 20h (1h30 sans entracte) *** Nouvelle série de représentations: Du 25 avril au 3 mai 2024
Salle Michelle-Rossignol – Théâtre d’Aujourd’hui, 3900, rue Saint-Denis, Montréal
Billetterie: 514-282-3900 poste 1
Photos : Hugo B. Lefort Tournée 2024
Théâtre Périscope (Québec) 7 au 18 mai 2024 Théâtre Le Bic (Rimouski) 1er juin 2024
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