Théâtre: «Hosanna ou La Shéhérazade des pauvres» de Michel Tremblay: Au plus haut des irrévéren-cieux

par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)

   Près de 55 ans après sa création sur la scène du Théâtre de Quat’Sous et près de 20 ans après avoir fait aller ses talons hauts sous les pieds de Benoît Brière sur la scène du TNM qui l’accueille à nouveau après sa résurrection sur celle du Trident il y a deux ans, Hosanna alias Claude Lemieux revit encore une fois cette soirée terrible pendant laquelle toute la Main s’est liguée contre elle pour l’humilier.

   Mais là où cette production actuelle du Trident, reprise à Montréal jusqu’au 9 décembre avant de partir en tournée cet hiver, se démarque de toutes les autres, c’est que depuis sa création en 1973, Hosanna, bien qu’elle ait existé dans l’univers parallèle des Chroniques du Plateau Mont-Royal, n’avait pas vraiment donné de nouvelles et s’était plutôt réfugiée dans sa job de jour, son métier de coiffeur sur la Plaza Saint-Hubert.

Jusqu’à ce que Michel Tremblay décide de nous donner des nouvelles d’Hosanna comme il nous avait donné Des nouvelles d’Édouard (la Duchesse de Langeais).

   Dans son mini roman La Shéhérazade des pauvres, c’est un Claude Lemieux de plus de 70 ans que Yannick (incarné par Sally Sakho), jeune journaliste du magazine Fugues, retrouve cinquante ans plus tard pour l’interviewer, non pas comme star déchue mais comme «survivant» de la Main des années 70 et 80, la Main des pionniers de la communauté LGBTQ+, celles et ceux qui auront survécu au SIDA. Pour les fans inconditionnels de Tremblay, plonger dans la lecture de cette Shéhérazade des pauvres a été reçue comme un véritable cadeau. Un cadeau que le comédien et metteur en scène Maxime Robin (qu’on a pu apprécier sur scène à Montréal entre autres dans N’essuie jamais de larmes sans gants, chef d’œuvre du Trident repris chez Duceppe il y a quelques années) a eu la brillante idée de transposer à la scène en y juxtaposant la pièce originale.

   Ce sont donc deux Hosannas – à des âges différents – qui se retrouvent sur scène simultanément. Dans son adaptation, Maxime Robin a su éliminer les longueurs du texte original de Tremblay tout en faisant une belle place à ce que raconte la Hosanna vieillissante incarnée par Luc Provost, créateur de la légendaire Mado Lamothe. En racontant au jeune Yannick son histoire, non seulement nous replonge-t-il dans la genèse d’Hosanna (le jeune Claude Lemieux fraîchement débarqué de Saint-Eustache, incarné avec un mélange subtil de vulnérabilité et de puissance par Vincent Roy (que j’ai apprécié autant dans Pisser debout sans lever sa jupe, Doggy dans Gravel et Made in Beautiful (La Belle Province) que dans Foreman), et dans sa relation avec Cuirette (formidable Gabriel Fournier), mais aussi dans cette horrible soirée qui a mal tourné et qu’on avait pu voir dans le film Il était une fois dans l’est. Comme si ce n’était pas assez, on a droit à une bande-sonore de l’époque (Diane Dufresne, Renée Claude…) chantée par Valérie Laroche qui incarne aussi la mère du jeune Claude qui aime déjà porter des robes, joué en alternance par les pré-ados Sacha Lapointe et Oscar Vaillancourt. Tout en sensibilité.

   Dans une période où l’on ne cesse de dire qu’il n’y a pas d’argent pour la culture, on ne peut que se réjouir devant la multiplication des coproductions intermunicipales, des reprises qui permettent le recyclage ou la réutilisation d’un décor, plus de représentations pour des artistes qui peuvent mieux gagner leur vie...

   Étant un «Tremblayrologue» depuis que j’ai monté Les Belles-Sœurs adolescent en 1984, je m’en étais voulu de ne pas m’être rendu à Québec pour voir cette Hosanna ou La Shéhérazade des pauvres au Trident. Merci à Olivier Arteau et Lorraine Pintal d’avoir comploté pour nous l’amener à Montréal. En plus, huit autres villes «oseront» accueillir la Cléopâtre déchue cette saison. Célébrons notre théâtre comme il se doit !

Hosanna ou La Shéhérazade des pauvres de Michel Tremblay Montage et mise en scène: Maxime Robin Dramaturgie: Sacha Dion Assistance à la mise en scène: Elizabeth Cordeau Rancourt Avec Luc Provost, Vincent Roy, Gabriel Fournier, Jacques Leblanc, Jonathan Gagnon, Valérie Laroche, Sally Sakho, Sacha Lapointe ou Oscar Vaillancourt (en alternance) Décor: Ariane Sauvé Costumes: Erica Schmitz Éclairages: Keven Dubois Accessoires: Guylaine Petitclerc Musique: Frédéric Brunet Maquillage: Vanessa Cadrin Coiffures et perruques: Myriam Richer Une production du Théâtre du Trident (Québec) en coproduction avec le Théâtre du Nouveau Monde Du 11 novembre au 9 décembre 2025 (Durée: 2h10 + un entracte) *** Supplémentaires: Dimanche, le 30 novembre 14h00 Mardi, 9 décembre 19h30 Théâtre du Nouveau Monde, 84, rue Sainte-Catherine Ouest, Montréal Billetterie: 514-866-8668, poste 1 - https://ticket.tnm.qc.ca Photos : Yves Renaud En tournée avec Les Sorties du TNM 13 janvier 2026, Québec, Salle Albert-Rousseau 20 janvier 2026, Sherbrooke, Centre culturel UdeS | Salle Maurice O'Bready 23 et 24 janvier 2026, Gatineau, Salle Odyssée 27 janvier 2026, Terrebonne, Théâtre du Vieux-Terrebonne 31 janvier 2026, Rimouski, Salle Desjardins-Telus 10 février 2026, Drummondville, Maison des arts Desjardins 13 février 2026, Laval, Salle André-Mathieu 18 février 2026, Saguenay, Théâtre C