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«Le Malade imaginaire» de Molière: Renouer avec ses classiques, c’est la santé!

Par Yanik Comeau (Comunik Média / ZoneCulture)


On remonte les plus célèbres pièces de Molière périodiquement parce qu’elles sont incontournables, parce qu’elles ont quelque chose de rassurant et parce qu’elles demeurent pertinentes parce qu’ancrés dans le bon vieil adage : «Là où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie». L’Avare, Les Fourberies de Scapin, Le Médecin malgré lui, Le Malade imaginaire particulièrement et, à plus petite échelle peut-être parce que plus lourdes, moins près de la Commedia dell’arte, Le Tartuffe, Le Misanthrope, Don Juan et L’École des Femmes, les pièces de Molière réussissent encore à trouver leur public après 350 ans. Mais à force de les voir, les revoir, les lire, les relire, on peut s’en lasser comme de tout.



Il faut donc être très solide pour s’attaquer au Malade imaginaire en 2020. Le metteur en scène Michel Monty impose ces jours-ci au Théâtre du Rideau Vert une proposition étonnamment rassembleuse. Respectant un texte dans lequel il bidouille néanmoins un peu, il propose des niveaux de langage singulièrement efficaces qui campent instantanément les personnages et montrent une flexibilité de la langue que, personnellement, je n’aurais jamais devinée. Certains puristes pourraient s’offenser de la «bougonisation» de Béline, la deuxième femme d’Argan, jamais aussi clairement opportuniste et calculatrice, mais Émilie Lajoie est tellement époustouflante, complètement assumée et d’une précision renversante qu’on ne peut que s’incliner et s’émerveiller. Délicieuse !



Après avoir vu quelques duos père-fils Diafoirus, on se réjouit devant les performances à la fois irrévérencieuses et subtiles de Patrice Coquereau et Frédéric Tremblay qui ne tombent jamais dans la caricature. D’ailleurs, c’est une des nombreuses belles qualités de cette production : jamais personne ne tombe dans des excès de cabotinage. Même dans les moments où Molière s’est laissé disons… tenter (?) lui-même par la grivoiserie ou les références scatologiques, Michel Monty et Luc Guérin, le premier concerné en Argan, contournent de belle façon la simplicité, préférant faire appel à l’intelligence du public.


Parlant de Luc Guérin, un de nos plus grands acteurs comiques (mais pas que…), il livre une performance sans faille. À la fois ridicule et touchant, pathétique et exaspérant, son Argan réussit néanmoins à attirer la sympathie par sa grande vérité. Les petits moments de solitude que Monty parsème dans les transitions entre les actes nous donne d’ailleurs une lumière bien différente et intéressante sur l’âme du personnage. Clairement bien dirigé, comme je le disais précédemment, Guérin livre une performance physique sans tomber dans l’exagération, utilisant habilement tout ce qui lui est offert : accessoires médicaux, costume, scénographie… et partenaires de jeu ! On se régale de cette proposition qui revitalise le personnage comme de celle de Violette Chauveau en Toinette, elle aussi prenant d’assaut la petite scène du Rideau Vert, menant le plateau quand c’est le temps et soutenant admirablement ses partenaires à d’autres moments. Réjouissant !



Autant dans le rôle du notaire que dans le rôle de Béralde, Benoit Mauffette est excellent. Ce monsieur Bonnefoy, notaire, et le Thomas Diafoirus de Frédéric Tremblay rappellent des personnages qui pourraient sortir des films de Tim Burton ou s’avérer des proches parents de la Famille Addams. Tellement amusants !



Quel bonheur aussi de retrouver Didier Lucien en Monsieur Purgon, le médecin à la limite du diabolique, qui arrive sur le tard mais n’épate pas moins. Après son Frère Marie-Victorin dans Camilien Houde, le p’tit gars de Sainte-Marie, il nous confirme encore une fois qu’il peut jouer absolument tout.



Les performances des jeunes amoureux, Anne-Marie Binette (Angélique) et Maxime Mompérousse (Cléante), sont tout aussi réjouissantes puisque Monty a clairement choisi de ne pas les empêtrer dans les bons vieux clichés des jeunes premiers un peu beige. Ces jeunes sont beaucoup plus de notre temps et on se plaît à les voir évoluer.


La musique en direct, composée par Bruno Rouyère et jouée par ce dernier et son partenaire Matthias Soly-Letarte, originale et emballante, ponctue et rythme tout le spectacle de 95 minutes qui passe comme un coup de vent.


La scénographie de Guillaume Lord, cette maison de banlieue contemporaine dont le salon a ni plus ni moins été emménagé pour un mourant aux soins palliatifs qui ne mourra pas de sitôt mais bien sûr, lui, il n’en sait rien, est à la fois rafraîchissante et impressionnante de par son utilisation de l’espace restreint imposé par les dimensions de la scène du Rideau Vert. Les costumes de Marc Senécal, complètement éclatés et partant dans toutes les directions, étonnent par leur cohérence inattendue. Ça marche !



En fait, tout de cette production est brillamment cohérent dans son éclatante folie. Ceux et celles pour qui Molière n’a jamais semblé accessible ou a toujours paru ampoulé et lourd devraient se donner une chance. Comme Les Fourberies de Scapin de Denise Filiatrault pour Juste pour rire il y a maintenant presque dix ans, cette production du Malade imaginaire pensée par Michel Monty saura rassembler les allergiques comme les amoureux du théâtre classique.


Le Malade imaginaire Texte: Molière Mise en scène: Michel Monty Avec Anne-Marie Binette, Maxime Mompérousse, Luc Guérin, Violette Chauveau, Patrice Coquereau, Benoit Mauffette, Frédéric Tremblay, Émilie Lajoie et Didier Lucien. Musiciens : Bruno Rouyère et Matthias Soly-Letarte Une production du Théâtre du Rideau Vert Du 28 janvier au 29 février 2020 (1h35 sans entracte) ***Supplémentaires: 11 février 12h30, 12 février 12h30, 18 février 12h30, 19 février 12h30, 22 février 20h, 25 février 19h30, 26 février 19h30 et 29 février 20h Mardi 17 décembre 19h30 Mercredi 18 décembre 19h30 Samedi 21 décembre 20h Jeudi 26 décembre 16h Vendredi 27 décembre 16h et 20h Samedi 28 décembre 16h et 20h Dimanche 29 décembre 15h Lundi 30 décembre 16h Mardi 31 décembre 16h Théâtre du Rideau Vert, 4664, rue Saint-Denis, Montréal Réservations : 514-844-1793 Photos: Jean-François Hamelin

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