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«Jonathan, la figure du goéland» de Jon Lachlan Stewart: Plonge et vole!

par Yanik Comeau (Comunik Média / ZoneCulture)


La première fois que j’ai entendu parlé du travail de Jon Lachlan Stewart, c’était pour la mise en scène de Madame Catherine prépare sa classe de troisième à l’irrémédiable d’Elena Belyea, un solo d’Alice Pascual à la Salle intime du Prospero. Expérience concluante. Avec sa très libre adaptation de Jonathan Livingston le goéland de Richard Bach, Lachlan Stewart devient officiellement un artiste que j’ai envie de suivre partout où il voudra m’emmener.



Présenté à la Salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier, Jonathan, la figure du goéland, spectacle bilingue hybride entre la danse et le théâtre, est une des plus belles manifestations de diversité qu’il m’ait été donnée de voir. Comme les spectacles des Productions des pieds des mains qui célébraient leurs 15 ans il y a deux ans presque jour pour jour. Ici, Surreal Soreal – nouvelle compagnie en résidence à Fred-Barry – et Geordie Theatre combinent leurs efforts et réunissent sur scène des comédiens-danseurs ayant une déficience physique et des interprètes non handicapés, passant de l’anglais au français (sur-titres en projections) avec un tel naturel que cette production ne pourrait s’avérer plus montréalaise dans tout ce que ça a de plus beau – n’en déplaise aux puristes.



Jon Lachlan Stewart puise sa matière première dans le roman initiatique de Richard Bach, mais va beaucoup plus loin, nous présentant un clan de goélands où la hiérarchie, le respect des dogmes et des conventions et la fidélité à la «famille» prend de troublantes proportions. Jonathan (le très charismatique Yousef Kadoura) veut s’émanciper, voler de ses propres ailes pour ainsi dire, «think outside the box». Il sera forcé à l’exil où il rencontrera un autre clan qui accueille sa différence et lui permettra de perfectionner ses talents mais reviendra ensuite à son clan avec un bagage qui l’aura changé à tout jamais.



Tous les interprètes sont formidables, qu’il s’agisse de l’impressionnant Prince Amponsah ou du virtuose de la béquille, Luca «Lazylegz» Patuelli, ce dernier partageant avec Yousef Kadoura une complicité tout aussi touchante qu’électrisante. Les filles ne sont pas en reste. On se régale (comme toujours) du jeu de Marilyn Perreault (qui a également assuré la traduction vers le français), comédienne, chanteuse, codirectrice artistique du Théâtre I.N.K. et collaboratrice des Productions des pieds des mains, et de celui de Lesly Velásquez que j’avais appréciée dans Jean dit d’Olivier Choinière au Théâtre d’Aujourd’hui et dans Valparaíso de Dominick Parenteau-Lebeuf du Théâtre Singulier-Pluriel. Mais lorsque la formidable Julie Tamiko Manning est sur scène, on a d’yeux et d’oreilles que pour elle. Dans le rôle du père de Jonathan, elle commande l’attention et hypnotise.



Les chorégraphies de Luca «Crazylegz» Patuelli sont audacieuses, réglées au quart de tour et font parfois penser à des numéros de cirque tant la virtuosité des interprètes est grande. Les prothèses, membres artificiels et béquilles sont utilisés avec ingéniosité. J’avais déjà eu la chance de voir Luca sur scène et j’ai retrouvé la même vivacité, la même verve. Vous penserez peut-être au bODY_rEMIX/les vARIATIONS_gOLDBERG de Marie Chouinard et la comparaison serait tout aussi positive pour l’un que pour l’autre mais on est ailleurs.



Jonathan, la figure du goéland n’est pas une fable philosophique pour enfants dans laquelle se reconnaîtront les adultes comme Le Petit Prince de Saint-Exupéry. Jon Lachlan Stewart a créé là un spectacle de danse-théâtre bad ass mais à saveur inspirational. On se régale autant du texte à la fois touchant et drôle que de l’intégration habile du mouvement sous toutes ces formes. On apprécie la belle complicité des interprètes et leur habileté tant à toucher nos cœurs qu’à nous faire rire.



Bravo à Claude Poissant et Nicolas Gendron d’avoir ouvert leurs portes à Surreal Soreal pour une résidence qui lui permettra de développer d’autres magnifiques projects comme Jonathan, la figure du goéland. On a hâte de pouvoir s’abreuver d’un prochain spectacle à saveur sociale, philosophique, humaine mais pas moralisateur ou infantilisant.


Jonathan : la figure du goéland Texte et mise en scène: Jon Lachlan Stewart Traduction: Marilyn Perreault Assistante à la mise en scène et régie: Chloé Ekker Interprétation: Prince Amponsah, Yousef Kadoura, Marilyn Perreault, Luca «LazyLegz» Patuelli, Julie Tamiko Manning et Lesly Valázquez Chorégraphie: Luca «LazyLegz» Patuelli Scénographie: Julie Vallée-Léger Éclairage: Tiffanie Boffa Costumes: Sophie El Assaad Conception sonore: LeFutur Projections: Francis-Olivier Métras Régisseuse: Ava Bishop Directeur de production : Chad Dembski Directrice technique: Marie Lépine Une production Surreal Soreal et Geordie Theatre Du 23 novembre au 11 décembre 2021 (1h20 sans entracte) Salle Fred-Barry (Théâtre Denise-Pelletier), 4353, rue Sainte-Catherine, Montréal Réservations : 514-253-8974 Information: https://www.denise-pelletier.qc.ca/pieces/jonathan-la-figure-du-goeland/ Photos: Marie-Andrée Lemire

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