top of page
  • Photo du rédacteur

Théâtre musical anglophone : «Children of God» de Corey Payette: Un chef d’oeuvre arrache-coeur

Dernière mise à jour : 8 juin 2019


Par Yanik Comeau (Comunik Média / ZoneCulture)




Tout le monde le dit, alors ce doit être vrai : écrire un musical original est une des choses les plus difficiles. La série télévisée Smash diffusée à NBC – sous forme de fiction, mais quand même – le démontrait bien néanmoins de façon romancée, presque belle en fait. Alors chaque fois qu’un nouveau musical voit le jour, il est difficile de ne pas avoir certaines appréhensions, difficile de ne pas grimacer d’inquiétude, craignant le pire. C’est ce qui fait de Children of God de Corey Payette un phénomène si extraordinaire: tous les écueils potentiels – le dialogue bourré de clichés, la trame narrative décousue et pleine de trous, les personnages mal développés – sont évités, surmontés. Ce nouveau musical est un véritable tour de force, un vrai de vrai chef d’œuvre comme on a trop peu de chances d’en voir!

Le thème de la pièce est sur toutes les lèvres depuis quelques années, étant donné toutes les histoires d’horreur que nous entendons à propos des pensionnats autochtones, tous ces enfants aborigènes arrachés des bras de leurs parents et élevés dans des environnements où on leur a volé leurs racines (et où on les a souvent maltraités) sous prétexte que l’on allait en faire de meilleurs citoyens du monde. Corey Payette raconte l’histoire d’un duo frère/soeur, Tommy (l’incroyable et attachant Dillan Chiblow incarnant le personage enfant et à l’âge adulte avec grande subtilité et nuance) et Julia (la tout aussi talentueuse Cheyenne Scott) qui sont enlevés à leur mère abandonnée de son mari, Rita (Michelle St. John dans une des performances les plus mémorables que j’aie vue de ma vie, ce qui n’est pas peu dire).

Pendant leur séjour au pensionnat, Tommy, Julia et leurs amis vivent des expériences bien différentes et ne s’en sortent pas tous avec les mêmes séquelles. C’est une autre des grandes forces du livret de Corey Payette, tout comme la magnifique façon qu’il a de donner au public un aperçu éclairant du point de vue de chacun des personnages. Comme le remarquait l’amie qui m’accompagnait à la représentation de dimanche dernier en matinée, on a rarement exploré la culpabilité et le sentiment d’impuissance des parents dans ce processus, et Payette le fait avec une grande finesse dans cette pièce.


Les chansons et les paroles ne donneront sans doute pas naissance à des tubes qui tourneront à la radio mais elles sont belles, efficaces et parfaitement au service de l’histoire, ce qui n’est pas toujours le cas dans un musical. Elles permettent de pénétrer le coeur et l’âme des personnages, de plonger dans leur expérience et de faire avancer l’histoire. Les arrangements d’Elliot Vaughan et la direction musicale d’Allen Cole (production originale) et de David Terriault sont impeccables. Les voix des artistes se marient à merveille et les quatre musiciens sur scène (incluant Terriault au piano) soutiennent parfaitement les chanteurs.

Il est à peu près impossible de trouver une faille dans cette oeuvre ou dans la production du Segal. Payette est encore plus que ce que l’on appelle un triple-threat dans le monde du théâtre musical (quelqu’un qui joue, chante, danse avec autant d’habileté): il écrit livret et paroles et il compose, mais il signe aussi une mise en scène sublime, dirigeant une distribution de haut calibre qui comprend également Sarah Carlé dans le rôle de Sœur Bernadette, David Keeley dans le rôle du Père Christopher, Kaitlyn Yott incarnant la jeune Elizabeth, Michelle Bardach dans le rôle de Joanna (et de l’amusante secrétaire), Jacob MacInnis dans le rôle de l’écolier Vincent et Aaron M. Wells qui joue Wilson aussi bien enfant qu’adulte.



Le numéro final est une expérience qui coupe le souffle. Sans rien forcer, la distribution ensorcelle littéralement le public qui se lève spontanément, se met à chanter, à participer à ce qui devient une véritable catharsis enivrante. Toute l’expérience Children of God – parce que c’est vraiment de cela qu’il s’agit, beaucoup plus que juste s’asseoir et apprécier un bon spectacle – est inoubliable. Tellement que des aînés et des travailleurs sociaux autochtones sont sur place après chacune des représentations pour offrir un mot de soutien, d’encouragement, un câlin chaleureux. Ça vous fait rouler les yeux? Je vous avoue que j’étais un peu cynique moi-même avant le début de la représentation, mais… plus du tout. Tout de cette production fabuleuse est bien pensé, bien tourné, et en fait un spectacle/expérience qui mérite de faire le tour du monde et d’être vu par tous les amateurs de théâtre actuels et ceux qui en deviendront à son contact.


Children of God – Un nouveau musical Livret, musique et paroles : Corey Payette Mise en scène : Corey Payette Avec Michelle Bardash, Sarah Carlé, Dillan Chiblow, David Keeley, Jacob MacInnis, Cheyenne Scott, Michelle St. John, Aaron M. Wells et Kaitlyn Yott Musiciens sur scène: David Terriault (direction musicale et piano), Lana Tomlin (violon alto), Camille Paquette-Roy (violoncelle) and Simon Legault (guitare) Une co-production du Segal Centre avec Urban Ink Présentée du 20 janvier au 10 février 2019, relâche les vendredis, deux représentations les dimanches (14h et 19h), deux représentations les mercredis (13h et 20h), lundi 19h, mardi, jeudi, samedi 20h (Durée: 2 heures + entracte) Sylvan Adams Theatre

Photos : Leslie Schachter

23 vues0 commentaire
bottom of page