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Théâtre anglophone: «Small Mouth Sounds» de Beth Wohl: Le silence est d’or

Dernière mise à jour : 19 juil. 2020

par Yanik Comeau (ZoneCulture / Comunik Média)


La comédienne, scénariste et dramaturge américaine Bess Wohl est sur une sérieuse lancée depuis quelques années et tout ce qu’elle touche semble se transformer en or. La production Off-Broadway de sa pièce Small Mouth Sounds s’est retrouvée dans les Top 10 du New York Times, du New York Post et de The Guardian tout en recevant le John Gassner Outer Critics Circle Award. Sans surprise, avec son flair habituel et son bilan sans faille, la directrice artistique du Segal Centre, Lisa Rubin, a mis la main sur cette pièce et a rapidement confié sa mise en scène à l’adjointe artistique Caitlin Murphy, la même qui avait fait ses débuts avec A Doll’s House, Part 2 de Lucas Hnath la saison dernière. Le résultat est une production réconfortante, touchante et drôle qui devrait rallier tous les amateurs de théâtre.



Le slogan de présentation de Small Mouth Sounds’ est «comment faire pour dire ce que l’on a à dire quand on ne peut pas prononcer un mot?» et pas de doute qu’une retraite de yoga est la prémisse parfaite pour réunir une éclectique brigade de personnages qui traîne chacun ses bibittes à régler… ou à tenter d’oublier. Isolés dans le bois pour une introspection de cinq jours, les personnages ne profiteront pas tous de l’expérience de la même façon, mais leur quête sera sans doute fascinante à observer pour les témoins (le public).



Comme la retraite se passe principalement dans le silence, le texte de la pièce est surtout composé de didascalies, de notes de mise en scène et de biographies détaillées des personnages pour donner aux comédiens et metteur en scène tout ce dont ils ont besoin pour savoir d’où viennent les personnages… et dans quelle direction ils s’en vont. Le prof de yoga, qu’on ne voit pas une seconde mais qui s’adresse à ses élèves par haut-parleur lorsqu’il intervient tout au long de la pièce de 90 minutes, est incarné par le comédien trilingue Marcelo Arroyo dont l’anglais est teinté d’un petit accent charmant qui ajoute à la vulnérabilité involontaire du personnage. Bien que l’auteure semble se moquer de ce type de thérapie et de ses imperfections, la structure de la pièce et le développement des personnages ne montrent aucun signe de faiblesse au-delà de sa simple humanité.



Les participants à la retraite de yoga communiquent surtout par petits bruits de bouche (de là le titre de la pièce, vous l’aurez compris), par regards échangés et signes de la main. Le monologue à la fois pathétique et hilarant de Ned (tellement bien joué par l’attachant et comique Matthew Gagnon) et quelques phrases de dialogue ici et là sont à peu près les seuls mots qu’entendront les spectateurs… à part la voix du prof, bien sûr. Pourtant, cette pièce est étonnamment captivante grâce à sa direction sensible et intelligente et sa distribution brillante.



Alicia (interprétée par Zara Jestadt) incarne la milléniale clichée à première vue avec ses écouteurs et son cellulaire qui semblent scotchés à sa tête. Mais lorsque craque la carapace, l’interprétation sensible de Jestadt fait transparaître les subtilités et les caractéristiques de moins en moins caricaturales du personnage. Pour sa part, au début de la pièce, c’est le personnage de Rodney qui semble le plus à sa place dans une retraite de yoga mais on se rendra rapidement compte qu’il est moins Zen et kasher qu’il n’en a l’air. Gabe Grey incarne à merveille ce personnage à la fois drôle et nuancé. En Joan et Judy, un couple gai qui traverse une période trouble, Alison Darcy et Warona Setshwaelo sont parfaitement assorties et se relancent l’une l’autre comme de grandes instrumentistes. Avec son jeu subtil et nuancé, Andreas Apergis complète la distribution dans le rôle touchant de Jan.


En plaçant les rangées de sièges face à face des deux côtés d’une scène brillamment conçue par Bruno-Pierre Houle, une scénographie qui donne au public à la fois une proximité avec les comédiens et un effet miroir avec les spectateurs de l’autre côté, la metteure en scène crée aussi un effet d’introspection. La musique et les effets sonores de Rob Denton ajoutent également à l’efficacité générale de toute la production.



Small Mouth Sounds est une pièce à la fois méditative et drôle, douce et tranchante, intelligente et légère. Quelle rafraîchissante soirée en cette période de l’année plutôt déprimante !


Small Mouth Sounds Une pièce de Bess Wohl Mise en scène: Caitlin Murphy Avec Andreas Apergis, Marcelo Arroyo, Alison Darcy, Matthew Gagnon, Gabe Grey, Zara Jestadt et Warona Setshwaelo Scénographie: Bruno-Pierre Houle Conception des costumes: Sophie El Assaad Conception d’éclairages: Martin Sirois Composition musicale et sonore: Rob Denton A Segal Centre for Performing Arts Production 9 février au 1er mars 2020 relâche les vendredis, deux représentations les dimanches (14h et 19h), deux représentations les mercredis (13h et 20h), lundi 19h, mardi, jeudi, samedi 20h (Durée: 90 minutes sans entracte) Studio du Segal Centre for Performing Arts, 5170, chemin de la Côte-Sainte-Catherine, Montréal Billetterie: 514-739-7944 Photo : Leslie Schachter

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