par Yanik Comeau (ZoneCulture/Comunik Média)
Le Mimésis, jeune compagnie de théâtre, reprend ces jours-ci Rouge Speedo de l’Américain Lucas Hnath à qui l’on doit aussi l’excellent A Doll’s House, Part 2 présenté plus tôt cette saison au Segal Centre. Ce qui étonne chez Hnath, c’est la versatilité de son écriture, sa facilité à se réinventer d’un texte à l’autre, d’osciller entre les genres et les styles avec une habileté formidable. Avec Red Speedo qui lui méritait un Obie Award (pour l’excellence en théâtre Off-Broadway) lors de sa création, Hnath semble descendre directement de David Mamet avec ses dialogues crus, directs, punchés et ses personnages aux failles humaines béantes à la Glengarry Glen Ross ou Wag the Dog.
Dans une excellente traduction du nouveau codirecteur artistique de Duceppe Jean-Simon Traversy, Red Speedo raconte l’histoire de Ray (Marc-André Thibault qui joue beaucoup plus jeune que lui avec une crédibilité et une efficacité époustouflantes), un jeune homme pour qui la natation sportive et compétitive est la seule issue. Limité sur le plan intellectuel, Ray a tout misé sur ses qualités sportives et son frère Peter (François-Simon Poirier), avocat, compte sur le talent de son cadet pour quitter le cabinet où il s’emmerde pour gérer la carrière – et les commandites – du frangin.
Quand Speedo, l’ultime commanditaire de rêve, celui que Ray a tatoué sur le cœur et pour lequel il s’est fait tatoué un énorme serpent de mer dont la queue se terminerait par un imprimé sur un éventuel maillot rouge de la marque, Ray a des étoiles dans les yeux. Mais quand la menace d’être testé positif pour dopage vient assombrir un éventuel ciel plus bleu, les débats fusent et les lignes entre le bien et le mal se brouillent. Parce qu’il y a Coach (joué par Guillaume Regaudie, codirecteur de Le Mimésis) et Peter qui s’affrontent avec Ray pris entre l’arbre et l’écorce, mais il y a aussi Lydia, l’ex de Ray (solide Catherine Paquin-Bédard), qui vient tout chambouler et relancer, Lydia que Ray aime toujours, mais peut-être pas pour les bonnes raisons.
Les nombreuses couches de l’intrigue, les dialogues mordants de Hnath, la mise en scène efficace de Louis-Philippe Tremblay (l’autre codirecteur) et l’interprétation tout aussi forte des comédiens donnent une production de grande qualité. La scénographie de Louis-Philippe Savard d’après le travail de Cédric Lord (nous dit le programme) fascine. Dans la toute petite salle intime du Prospero, on arrive à croire à la piscine d’un grand centre sportif.
Quel bonheur que de découvrir ces petits bijoux de productions auxquelles la salle intime du Prospero ouvre toutes grandes ses portes. Après le Mazal Tov de Marc-André Thibault (comme auteur cette fois !) et le Madame Catherine prépare sa classe de troisième à l’irrémédiable d’Elena Belyea, toutes deux présentées la saison dernière, on savoure avec bonheur le Rouge Speedo de Lucas Hnath. Chapeau, Le Mimésis et Théâtre Prospero !
Rouge Speedo de Lucas Hnath Traduction: Jean-Simon Traversy Mise en scène: Louis-Philippe Tremblay Avec Catherine Paquin-Béchard, François-Simon Poirier, Guillaume Regaudie et Marc-André Thibault Une production de Le Mimésis Du 19 février au 9 mars 2019 (1h30 sans entracte) *** Supplémentaire: Samedi, le 9 mars 2019 à 20h15 Théâtre Prospero – salle intime, 1371, rue Ontario Est, Montréal Renseignements : 514-526-6582 – theatreprospero.com
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