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«Les Enfants» de Lucy Kirkwood: Générations… avenir ?

Dernière mise à jour : 19 juil. 2020

Par Yanik Comeau (ZoneCulture)


Une des toutes nouvelles voix de la dramaturgie anglo-saxonne – britannique tout particulièrement –, la jeune Lucy Kirkwood et ses pièces parcourent le monde comme un feu de broussaille mais avec un effet beaucoup plus positif. S’inspirant souvent de l’humain qui l’entoure – celui du présent ou celui du passé –, l’auteure a remporté un succès monstre avec sa pièce Chimerica est 2013, une œuvre qui examine les relations sino-américaines à travers les événements qui ont marqué la place Tian’anmen en 1989, cinq ans avant sa naissance à elle. Avec The Children (Les Enfants), elle se laisse inspirer par la catastrophe de Fukushima survenue le 11 mars 2011… et – on pourrait croire aussi – de celle de Tchernobyl revenue dans les médias autour de son 30e anniversaire et avec l’arrivée de la série télé acclamée quelques années plus tard.



À la suite d’un Fukushima britannique fictif qui se serait produit dans sa cour, un couple de physicistes nucléaires à la retraite, Robin (Germain Houde) et Adèle (Danielle Proulx), vit avec un minimum d’électricité, dans son chalet non loin des lieux de la catastrophe tentant tant bien que mal de vivre avec les conséquences des événements – physiques et psychologiques – dont il n’est pas responsable, mais… ne le sommes-nous pas tous d’une certaine manière ? Le couple reçoit la visite d’une ancienne collègue, Rose (Chantal Baril), qui semble passer de façon bien innocente et joviale au début, mais qui traîne un agenda… et même plus qu’un.



Ce drame psychologique, que l’on pourrait presque qualifier de thriller écologique (même s’il prend un bon moment à devenir thrillant), met en scène trois personnages aînés dans un huis clos parfois étouffant malgré le décor aéré, magnifique et écoresponsable conçu par Marie-Renée Bourget Harvey. Bien que l’intrigue démarre à pas de tortue, les répliques finement écrites de Kirkwood, traduites impeccablement par la grande Maryse Warda et interprétées par Danielle Proulx et Chantal Baril nous gardent en appétit. Même après l’arrivée de Germain Houle, l’histoire prendra un autre bon moment à vraiment décoller, mais on réussira néanmoins à nous tenir en haleine. Lorsque l’on découvrira toutes les couches du back story de ces personnages (certaines que certains spectateurs auront-ils été fiers de détecter eux-mêmes avant qu'elles ne soient vraiment dévoilées) et le projet que fomente Rose, la pièce se mettra à débouler comme la roche d’une avalanche.



S’entourant de trois virtuoses (dont Chantal Baril, que l’on avait retrouvée chez Duceppe, délicieuse, nuancée, drôle et touchante à la fois dans Disparu.e.s à l’automne, en remplacement de Micheline Bernard qui devait jouer ce rôle au départ), la metteure en scène de Québec Marie-Hélène Gendreau – dont j’avais pu apprécier le grand talent de directrice d’acteurs dans Le Vrai Monde ? de Michel Tremblay au Trident il y a deux ans – sait tirer le maximum de sa distribution. On ne se lasse évidemment pas de voir Danielle Proulx sur scène (dans le 5 à 7 de Duceppe Il faudrait bien qu’un jour, dans le rôle de la grand-mère dans Enfant insignifiant !, dans Centre d’achats au Théâtre d’Aujourd’hui, dans Cr#&$ d’oiseau cave à La Licorne), ni Germain Houde (récemment dans la dernière production de L’Homme éléphant du Rideau Vert) ou Chantal Baril, mais Gendreau réussit à créer une synergie admirable, toute en subtilité.


Quand Adèle, un peu plus coincée au début de la pièce, retrouve une petite parcelle de sa folie d’antan et entraîne son mari et son ancienne collègue dans une chorégraphie (habilement maladroite au début et de plus en plus intégrée et assumée par les personnages grâce au travail brillant de Claude Breton-Potvin) sur Donne Donne telle que chantée par Nanette Workman, on se régale. Et le moment de fraîcheur dans cette situation étouffante est accueilli comme une bénédiction. De courte durée. Tellement efficace.




La musique de Mykalle Bielinski est tout aussi efficace et sublime. Elle épouse le ton de la pièce tout en lui permettant de planer un peu. J’adore cette artiste qui se renouvelle à chaque fois qu’elle touche une production ! Les éclairages de Julie Basse ajoutent aussi à l’univers créé par Gendreau.



Cette production toute féminine – exceptions faites du comédien Germain Houde et du concepteur d’accessoires Normand Blais, devenus minorités visibles ! –, malgré quelques raccourcis dans son texte, s’inscrit encore parfaitement dans la vision du tandem Laurin-Traversy à la tête de Duceppe : du théâtre qui touche le public tout en le faisant réfléchir aux enjeux du monde dans lequel il vit. À voir.



Les Enfants de Lucy Kirkwood Traduction: Maryse Warda Mise en scène: Marie-Hélène Gendreau Avec Chantal Baril, Germain Houde et Danielle Proulx Production de la Compagnie Jean Duceppe 26 février au 28 mars 2020 (durée : 1h45 sans entracte) Théâtre Jean-Duceppe, Place des arts, Montréal. Billets: 514-842-2112 Info : www.duceppe.com Photos : Caroline Laberge

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