top of page
  • Photo du rédacteur

«Les Beaux Dimanches» de Marcel Dubé: On a plus les jours du Seigneur qu'on avait!

Dernière mise à jour : 13 juil. 2019

par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)


En travaillant avec la cohorte 2018 de l’École Nationale de Théâtre lorsque les jeunes comédiens étaient en deuxième année, l’auteur, metteur en scène, comédien et pédagogue Christian Lapointe – alors artiste en résidence –, la magie opère et le groupe retravaillera avec lui en troisième année pour son premier spectacle de l’année. C’est alors que la classe de 11 étudiants propose de travailler du Marcel Dubé et, tout naturellement, la pièce Les Beaux Dimanches qui comporte 11 personnages. Le classique de la dramaturgie québécoise sera pétri comme un pain, attendri comme une pièce de viande, tordu et étiré comme de la tire Sainte-Catherine, passé au tordeur Christian Lapointe. Le résultat a d’abord été présenté comme exercice pédagogique à l’École Nationale en 2016 et est repris ces jours-ci à La Chapelle, Scènes contemporaines.



Dès les premières secondes, dès les premiers mots crachés par Étienne Lou (dont le personnage, qui s’appelle justement Étienne, même dans le texte original, joué à la création par Jean Duceppe et à la reprise signée Lorraine Pintal en 1993 par Normand D’Amour), on comprend qu’on ne sera pas dans du Dubé des années 1960-1970. Dans cette réécriture à la «chainsaw», les personnages prendront les prénoms des interprètes, se permettront du langage cru qui aurait fait friser les oreilles du public de Dubé il y a cinquante ans (et peut-être même l’auteur lui-même, d’ailleurs !) et s’écarteront de la partition originale pour dire de nouvelles répliques écrites par Lapointe.

La mise en scène aussi est très «signée Lapointe». On reconnaît rapidement son audace, son désir de repousser les limites, les balises, comme il l’a fait notamment cet automne avec sa production de Le reste vous le connaissez par le cinéma de Martin Crimp d’après Les Phéniciennes d’Euripide à Espace Go. Ici, les comédiens ne semblent pas jouer une pièce, mais plutôt improviser sur le thème de, à la manière de Marcel Dubé, comme on le dirait sur un carton d’impro de la LNI, allant même jusqu’à intégrer un buzzer et une lumière rouge qui dénoncent les répliques sexistes un peu comme le kazoo – plus subtile ! – de l’arbitre de la LNI pour les pénalités.

Le metteur en scène intègre aussi un envahissant langage des signes qui finit par ressembler à une chorégraphie ou même des numéros de meneurs de claques quand plusieurs comédiens s’y mettent à la fois. Choix étrange et troublant au début, mais qui finit par s’intégrer étonnamment bien au fur et à mesure que la pièce avance. Puis, à la fin, on consacre les vingt (mon estimation personnelle) dernières minutes du spectacle à doubler un bout de l’adaptation cinématographique de la pièce, tournée en 1974 par le réalisateur Richard Martin, projeté sur le mur de fond «dans le creux» (parce qu’on a peint un fond de piscine creusée sur les murs de La Chapelle, symbole de la bourgeoisie des personnages qui «s’ennuient le dimanche» au risque de me faire accuser de mélanger mes références théâtrales!). Fascinant de voir les jeunes interprètes prêter leurs voix aux quarantenaires/cinquantenaires Jean Duceppe, Catherine Bégin, Denise Filiatrault, Yvon Dufour, Andrée Lachapelle, Yves Létourneau, Luce Guilbeault, Gérard Poirier et aux jeunes Louise Portal et Robert Maltais… effets sonores créés par un des comédiens en prime!


Bien que certains pourraient trouver que Christian Lapointe y va un peu fort dans son dépoussiérage extrême de l’œuvre – comme certains l’ont dit aussi en voyant le travail de Benoît Vermeulen avec Bilan au TNM –, il reste que l’exercice est dynamique, intéressant et que les interprètes sont clairement investis corps et âmes dans la proposition. Difficile de ne pas se laisser porter par autant d’enthousiasme et de ne pas être curieux de savoir ce qui s’en vient pour le Collectif Quatorze18, cette troupe qui entend se consacrer aux pièces du répertoire québécois.



En assistant à cette adaptation très audacieuse, difficile de ne pas faire de rapprochement aussi avec celle qu’Angela Konrad proposait dernièrement du Platonov de Tchekhov au Prospero parce que, après tout, Marcel Dubé n’a-t-il pas été un peu notre Tchekhov pendant presque deux décennies?


Les Beaux Dimanches de Marcel Dubé Mise en scène et adaptation: Christian Lapointe Interprètes: Félix-Antoine Cantin, Claudia Chillis-Rivard, Étienne Courville, Nadine Desjardins, Patrice Ducharme-Castonguay, Étienne Lou, Virginie Morin-Laporte, Jules Ronfard, Gabriel-Antoine Roy, Rosemarie Sabor et Élisabeth Smith Une coproduction Carte Blanche / Collectif Quatorze18 6 au 15 décembre 2018 à 20h (2h10 sans entracte) La Chapelle, Scènes Contemporaines, 3700, rue Saint-Dominique, Montréal

Réservations : 514-843-7738 Pour en savoir plus : www.lachapelle.org Photos : Maxime Paré Fortin

28 vues0 commentaire
bottom of page