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«Mon Héros Oussama» de Dennis Kelly: Qui est le vrai terroriste?

Dernière mise à jour : 11 avr. 2019


Par Yanik Comeau (Comunik Média / ZoneCulture)


Auteur britannique bien connu du public montréalais, particulièrement grâce aux nombreuses productions de ses pièces présentées à La Licorne (Après la fin, Orphelins, Amour/Argent, Comment s’occuper de bébé,…), Dennis Kelly investit ces jours-ci les murs de la salle intime du Prospero avec la traduction par Jean-François Rochon de Osama the Hero. Une pièce aussi dure, crue et coup-de-poing (pour ne pas dire coup-de-marteau !) que ses autres. La production du Collectif Les Fauves reprend là où La Manufacture a laissé, dans une mise en scène originale et dynamique de Reynald Robinson.



Racontant l’histoire de Gary, un adolescent apparemment sans attaches, sans histoire, sans repères surtout, Mon héros Oussama ne fait pas l’apologie d’Oussama Ben Laden, mais démontre clairement comment les médias et la propagation de l’information liée au terrorisme peut faire des vedettes des «auteurs» (j’ai toujours détesté l’utilisation de ce mot dans ce contexte) de tueries, de stunts terroristes, d’actes de terreur comme les attentats du 11 septembre (bien évidemment), le bombardement du Marathon de Boston, les massacres de Charlie Hebdo, de Sandy Hook, de la mosquée de Québec et… nommez-les. La surmédiatisation amène-t-elle des jeunes influençables à voir quelque chose de glamour à tuer, à faire un éclat? Posez la question, c’est y répondre. Ils ne passeront pas tous à l’acte, mais déjà de les y faire réfléchir…


Après un exposé oral qui fait froncer des sourcils (et frémir) sa classe, son école, les citoyens de sa petite ville de banlieue, Gary devient soudainement soupçonné d’actes terroristes autour de lui. Serait-il un jeune psychopathe qui met le jeu partout, qui cherche désespérément à détruire, à tuer? À force de se monter les uns les autres, à se convaincre que Gary est un monstre, ses voisins finiront par le croire et par commettre l’irréparable.


Dans la dernière partie de la pièce, les personnages, du sang sur les mains, livreront de troublants monologues qui n'ont rien à voir avec le geste qu'ils ont posé et qui viennent témoigner de leur soif de... s'en laver les mains.



Évoluant dans un décor minimaliste bien pensé par le metteur en scène et la scénographe Noémi Paquette, les comédiens sont tous très justes et totalement investis dans ce texte d’une violence typique du mouvement in-yer-face auquel sont aussi associés des auteurs comme Sarah Kane, Martin McDonagh et même Tracy Letts dont on verra le August : Osage County chez Duceppe à l’automne. Belle trouvaille déstabilisante pour le public que d’asseoir régulièrement un comédien dans la première rangée pour en faire un spectateur-commentateur du spectacle. Une rupture du quatrième mur qui rappelle que ce qui se passe sur scène, ne se passe pas juste sur scène.



Gabriel Szabo, dans le rôle de Gary, est tout simplement magnifique. Il incarne toute la naïveté et l’innocence de l’adolescence (il joue souvent plus jeune que son âge de par son physique – je pense ici entre autres au rôle-titre dans Fanny et Alexandre il y a quelques semaines à peine au Théâtre Denise-Pelletier et à son Étéocle candide, crédule et carrément enfantin par moments dans Le Reste vous le connaissez par le cinéma à Espace Go). Il prend possession de la scène, de l’espace, s’adresse au public avec une aisance qui séduit.


On est hypnotisé aussi par le jeu puissant de Gabriel Simard (Francis, un des voisins de Gary, son opposant le plus virulent). Il est d’une intensité troublante et sa présence sur scène est envoûtante. Elisabeth Smith aussi est troublante dans le rôle de Manu, cette jeune femme que l’on devine à peine majeure, en étrange couple malsain avec Mark (Éric Cabana que je n’avais pas vu depuis un moment sur scène). Anne-Justine Guestier, que je découvrais ici, est également excellente dans le rôle de Louise, la sœur de Francis qui traine un lourd bagage.



Après Rouge Speedo, Mon Héros Oussama s’inscrit parfaitement dans une mouvance, une tendance que se crée la salle intime du Prospero de présenter des pièces aux enjeux sociaux et philosophiques puissants, des pièces bien de leur temps. Et c’est aussi rafraîchissant qu’inquiétant.


Mon Héros Oussama de Dennis Kelly Traduction: Jean-François Rochon Mise en scène: Reynald Robinson Avec Éric Cabana, Anne-Justine Guestier, Gabriel Simard, Elisabeth Smith et Gabriel Szabo Une production du Collectif Les Fauves Du 2 au 20 avril 2019 (1h15 sans entracte) *** Supplémentaire: Samedi, 20 avril 2019, 20h15 Théâtre Prospero – salle intime, 1371, rue Ontario Est, Montréal Renseignements : 514-526-6582 – theatreprospero.com

Photos; Cannelle Wiechert

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