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«Bonne retraite, Jocelyne» de Fabien Cloutier: Parler pour meubler le vide

Dernière mise à jour : 7 sept. 2019

par Yanik Comeau (Comunik Média) Avec Bonne retraite, Jocelyne, une pièce qu’il a écrite dans le cadre d’une résidence à La Licorne à Montréal et qui y est présentée ces jours-ci (et en supplémentaires en juin prochain), Fabien Cloutier souhaitait parler de notre incroyable capacité à parler sans rien dire ou à notre triste incapacité à communiquer véritablement. Le résultat est non seulement concluant mais deviendra un des grands succès d’une saison 2018-2019 déjà foisonnante de productions qui font courir les foules. Une pièce à l’humour grinçant avec une distribution épatante.


Quelques semaines après les funérailles d’une collègue de travail, décédée beaucoup trop jeune, foudroyée par un cancer, Jocelyne, fonctionnaire qui travaille dans un bureau, réunit sa famille pour un party d’annonce de retraite. La vie est courte et on ne sait jamais quand la fin arrivera. Il faut profiter de maintenant, faire les choses dont on a toujours rêvé. L’annonce sera accueillie avec surprise, joie, inquiétude, doute, méfiance, mais surtout beaucoup d’indifférence. Parce que c’est ça, la réalité, aujourd’hui: On partage sur les réseaux sociaux pour que tout le monde puisse juger, commenter, jalouser, rabaisser, se réjouir (pour vrai ou pour faux) de notre bonheur, vrai ou faux lui aussi. Mais quand on se retrouve face à face, arrive-t-on encore à se parler vraiment? Illustrant à quel point on se parle sans communiquer, Fabien Dupuis, virtuose de la cacophonie contrôlée, rappelle Serge Boucher, particulièrement dans ses pièces 24 poses et . Trois ou quatre conversations vides s’entrecroisent et on ne peut faire autrement que reconnaître nos familles, nos amis, nos voisins, nous-même si on arrive à se l’avouer. Alors que Jocelyne souhaite partager une décision qui va changer sa vie avec «ceux qu’elle aime», ces derniers sont beaucoup plus préoccupés par toutes les autres choses qui se passent autour d’eux. Après un moment pendant lequel on jouera à un jeu de devinettes pour meubler ce qui pourrait s’avérer un silence inconfortable (vaut mieux avoir quelque chose pour occuper ses invités, hein ?) et que l’on déblatérera sur toutes sortes de choses plutôt anodines, de vieilles blessures s’ouvriront, de vieux comptes se régleront, les pires mesquineries et les plus grossières «vérités» referont surface ou éclateront au visage de tout le monde sous prétexte que «non, mais… c’est vrai ou c’est pas vrai ?»

Défendant cette partition dynamique, rythmée, acérée, neuf acteurs solides, d’horizons différents, qui forment un tout étonnamment homogène. On a l’impression d’assister à un spectacle de chant choral réglé au quart de tour. Autour d’une Josée Deschênes toujours solide, on redécouvre Sophie Dion (comédienne de Québec que l’on a connue dans 4 et demi…et qui, depuis, s’est faite discrète à Montréal, mais multiplie les rôles dans les théâtres de la Capitale Nationale) absolument sublime dans le rôle de la belle-sœur de Jocelyne, une pauvre fille qui inspire la pitié. Un personnage qui semble avoir été écrit sur mesure pour elle. Avec Éric Leblanc (une découverte), qui interprète son mari, et Vincent Roy, qui joue leur fils aux capacités intellectuelles limitées, elle forme une famille qui rappelle celle qu’Adèle Reinhardt faisait avec Roger Léger dans 24 poses. Un trio qui passera à l’histoire.



Dans le rôle de Paul, l’aîné de la famille, le frère de Jocelyne, Jean-Guy Bouchard est génial. Un rôle tristement comique, un personnage pas tellement plus brillant que son pauvre neveu. Brigitte Poupart est épatante dans le rôle de la sœur qui n’a pas peur de dire ce qu’elle pense… et Dieu qu’elle en pense, des choses! Claude Despins incarne avec brio son chum, Jean, souvent pris entre l’arbre et l’écorce. Lauren Hartley et Lauriane S. Thibodeau jouent les filles de Jocelyne, Ève, la pacifiste idéaliste et Viviane, la grande sœur qui a peut-être un peu trop tendance à penser à son nombril, mais qui a une place spéciale dans son cœur pour son simplet de cousin.

Bonne retraite, Jocelyne s’inscrit dans la lignée des excellentes tranches de vie familiales auxquels nous ont habitués des générations de nos plus grands auteurs, de Marcel Dubé et Françoise Loranger à Serge Boucher et David Paquet. Fabien Cloutier a une voix bien à lui, mais une voix familière, limpide, accessible qui critique sévèrement mais avec une touche d’empathie qui humanise.Une des pièces incontournables de la saison. *** Bonne retraite, Jocelyne Texte et mise en scène: Fabien Cloutier Avec Jean-Guy Bouchard, Josée Deschênes, Claude Despins, Sophie Dion, Lauren Hartley, Éric Leblanc, Brigitte Poupart, Vincent Roy et Lauriane S. Thibodeau Une production du Théâtre de La Manufacture, du Théâtre du Trident et du Théâtre français du Centre National des Arts 9 octobre au 17 novembre 2018 – mardi au jeudi 19h, vendredi 20h, samedi 16h (1h15 sans entracte) *** Supplémentaires: 4 au 15 juin 2019 *** Nouvelle série de supplémentaires: 10 au 21 septembre 2019 + 14 et 21 sept à 20h Théâtre La Licorne, 4559, avenue Papineau, Montréal Billetterie: 514-523-2246 – theatrelalicorne.com **** Aussi présentée au Théâtre Le Trident à Québec du 15 janvier au 9 février 2019 *** Supplémentaires au Trident: - Samedi, le 2 février 2019 20h - Dimanche, le 3 février 2019 15h - Mardi, le 5 février 2019 19h30 Billetterie du Trident: 418-643-8131 ou https://oss.ticketmaster.com/aps/letrident/fr-ca/buy/browse?i%5B0%5D=55


Tournée 2019:

2-5 octobre 2019: Centre National des arts (CNA) - Ottawa 3 novembre 2019: Théâtre Lionel-Groulx - Sainte-Thérèse 6-7 novembre 2019: Théâtre de la Ville - Longueuil 8 novembre 2019: Centre culturel de Beloeil 9 novembre 2019: Salle Méchatigan - Sainte-Marie-de-Beauce 15 novembre 2019: Centre des arts de Baie-Comeau

17 novembre 2019: Salle de spectacle Jean-Marc-Dion - Sept-Îles 19 novembre 2019: Salle de spectacles de Gaspé

Photos : Suzanne O’Neill

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