top of page
  • Photo du rédacteurYanik Comeau

Théâtre: «Newton et les Corps célestes» de Stéphane Brulotte et Yves Morin: Chante-moi ta science

par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)

Voir une création originale québécoise en théâtre musical relève presque toujours d’une certaine forme de miracle parce qu’il s’agit d’une des formes les plus complexes à créer. Assister à une création de théâtre musical au mythique Théâtre La Marjolaine est une expérience pour le moins émouvante quand on connaît le moindrement l’histoire de cette institution qui a vu le jour en 1960 grâce à la persévérance d’une femme qui n’avait pas froid aux yeux, la comédienne Marjolaine Hébert. Si c’est si émouvant c’est qu’on sait que c’est au Théâtre La Marjolaine que les premiers balbutiements du théâtre musical de chez nous voient le jour. Des comédies musicales signées par de grands noms comme Marcel Dubé, Albert Millaire, Cyrille Beaulieu, Jean Barbeau, François Cousineau, Sylvain Lelièvre, Claude Léveillé, Louis-Georges Carrier… et Michel Tremblay (Les Héros de mon enfance).



La Marjolaine aurait dû vivre son retour au théâtre musical en 2020 mais on sait ce qui est arrivé cet été-là. Entre temps donc est née La Corriveau ou la Soif des corbeaux avec un Jean Maheux temporairement libéré, attendant que Newton et les Corps célestes puisse voir le jour. Arrive donc l’été 2023 et le théâtre de Marc-André Coallier peut enfin accueillir cette nouvelle pièce écrite par Stéphane Brulotte (qui s’aventure pour la première fois en théâtre musical mais qui nous a donné quelques pièces fascinantes inspirées d’autres personnages historiques, notamment Napoléon, Besbouss et Hemingway) qui s’associe à Yves Morin, musicien-compositeur et traducteur de gros musicals de Broadway montés chez nous par Denise Filiatrault entre autres (Cabaret, My Fair Lady, Un Violon sur le toît, Sweet Charity, Une Vie presque normale).



C’est donc dans l’univers de Londres 1684 où Edmond Halley (oui, oui, celui de la comète) se démène comme un diable dans l’eau bénite pour faire publier un des plus grands ouvrages scientifiques de tous les temps, l’œuvre d’Isaac Newton. C’est dans les débuts de la science moderne que nous plonge Stéphane Brulotte sans pour autant perdre le commun des mortels qui ne connaîtrait rien d’autre de Newton que ses théories de la gravité et de la gravitation. C’est avec des musiques inspirées de Londres, certes, mais plutôt la Londres de presque 300 ans plus tard, celle de la British Invasion, que Newton et les Corps célestes s'animera. Ainsi, tout en s’inspirant d’une recherche fouillée et en tricotant des intrigues plus fictives, l’auteur et son compositeur amènent le spectateur dans un monde qui rappelle celui de Sherlock Holmes ou de Jack L’Éventreur mais l’intrigue, tout en étant un peu tordue, ne relève certainement pas de l’horreur. Parsemée comme il se doit de nombreuses chansons qui font avancer l’histoire ou présentent les personnages, Newton et les corps célestes pourrait surprendre par la grande qualité de ses textes et de ses chansons si on ne connaissait pas les auteurs. Bien que la qualité des arrangements et de la bande son puisse décevoir parce qu’il aurait fallu mettre quelques milliers de dollars de plus pour enregistrer un véritable orchestre, le projet est néanmoins réussi.



Sa réussite réside en grande partie dans le travail exceptionnel de mise en scène de Sylvain Scott que l’on connaît comme codirecteur du Théâtre Le Clou et comme comédien-chanteur, notamment dans L’Homme de la Mancha. Musicien lui-même et appuyé par Estelle Esse, il dirige ses comédiens-chanteurs de main de maître et réussit à faire des miracles avec une si petite scène, en partie grâce à la chorégraphe «magicienne» Marie Deslongchamps.


Sur scène, Frédéric Desager incarne un Newton écrit sur mesure pour lui et tire son épingle du jeu avec le toujours excellent Jean Maheux (dans le rôle du fumiste Robert Cooke) et le sublime Jean-François Poulin (Halley) qui est presque parvenu à me tirer quelques larmes dans deux balades déchirantes. On est tout aussi impressionné par le jeu de la comédienne Marie-Ève Pelletier (la femme de Halley), celui d’Hélène Durocher (une découverte!) et Dominic St-Laurent qui peut à la fois exploiter son talent pour le jeu humoristique et son excellente voix chantée.


Faire du théâtre privé en été, du théâtre musical de surcroît, relève de la passion la plus pure et mérite d’être soutenu, surtout quand il s’agit d’un effort d’une telle ampleur. Souhaitons que ce spectacle agréable et généreux trouve non seulement son public en été mais encore qu’il puisse être vu un peu partout.



Newton et les Corps célestes de Stéphane Brulotte et Yves Morin Texte et paroles: Stéphane Brulotte Musique: Yves Morin Mise en scène et scénographie: Sylvain Scott Orchestration: Patrice D’Aragon et Yves Morin Réalisation de la bande son: Patrice D’Aragon Assistance à la mise en scène: Dominique Cuerrier Avec Frédéric Desager, Jean Maheux, Jean-François Poulin, Marie-Ève Pelletier, Hélène Durocher et Dominic St-Laurent Conception des costumes: Marisol Vachon Conception d’éclairages: Pierre Tripard Coaching vocal: Estelle Esse Chorégraphie: Marie Deslongchamps Une production du Théâtre La Marjolaine Du 21 juin au 19 août 2023 du mercredi au samedi 20h + samedis 22 et 29 juillet, 5 et 12 août 15h Théâtre La Marjolaine, 55, chemin du Théâtre, Eastman https://marjolaine.tuxedobillet.com/ Information et billetterie: 450-297-0237, 1.800.LAMARJO ou www.lamarjolaine.info/programmation Photos: Charly Dowling

bottom of page