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Théâtre: «Les Waitress sont tristes» de Michael Nimbley: Enligner les émotions

par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)

Depuis vingt ans maintenant, la compagnie de théâtre Joe Jack et John, présentement compagnie résidente d’Espace Libre, crée des spectacles qui intègrent à part entière des artistes neurodivergents ou vivant avec un handicap. Jusqu’à maintenant, comme je le faisais remarquer à sa directrice Catherine Bourgeois hier soir après la discussion qui a suivi la représentation de Les Waitress sont tristes, la plus récente création de la compagnie, j’en étais à ma première expérience avec cette compagnie qui, ma foi, ne pourrait pas être plus à sa place à Espace Libre, haut lieu de création qui a jadis hébergé Omnibus et Carbone 14.



Les Waitress sont tristes est la deuxième création de l’artiste neurodivergent Michael Nimbley, devenu un habitué de la compagnie comme acteur ayant participé à la création de plusieurs autres de ses spectacles. Le processus de création est réjouissant bien qu’exigeant et même, par moments, frustrant, nous avouerons certaines des interprètes. Cependant, clairement, le résultat en vaut la chandelle puisque tous en sortent grandis. Créateurs et spectateurs.



Ainsi, à partir des textes que Michael Nimbley écrit dans des cahiers, Catherine Bourgeois, qui se dit son alliée créative et co-metteure en scène, dirigera une écriture de plateau qui impliquera les interprètes et tous les créateurs et créatrices intégrés au spectacle. Du coup, la comédienne/musicienne Anna Atkinson expliquera que la musique et l’environnement sonore auront été développés dès le début de la création, pas ajoutés vers la fin du processus de création comme c’est souvent le cas.



Les Waitress sont tristes, c’est donc le rêve fantasmé par Michael Nimbley qui, dans sa solitude exacerbée par la pandémie, s’est créé un personnage de «poor lonesome cowboy», Morrison, un drifter qui erre avec sa chatte Ti-Mousse, un peu comme un itinérant, un sans-abri vulnérable forcé à confronter ses émotions, qui atterrit dans un bar où les waitresses servent de la bière, dansent en ligne et tentent tant bien que mal de maintenir un sourire professionnel malgré leur tristesse mais surtout leur colère, leur désir de s’émanciper, de rejeter le confinement imposé par l’auteur de leur existence.



Le résultat est saisissant. Empruntant volontairement ou non à Beckett, à Tremblay (particulièrement dans l’aspect chœurs), à Tennessee Williams et à l’univers du country (des chansons de George Jones et Dolly Parton et le Achy Breaky Heart de Billy Ray Cyrus viendront ponctuer le spectacle), les troublantes waitresses glaceront le sang par moments, feront rire jaune à d’autres moments. Avec son Morrison très près de lui, une sorte d’alter ego fictif par lequel il peut passer pour assumer l’expression d’émotions, Michael Nimbley est à la fois drôle, touchant, détestable et troublant. Clairement, dans le safe space qu’est la compagnie Joe Jack et John, sous le regard bienveillant de Catherine Bourgeois, il peut explorer en toute sérénité.



On a certes pas l’habitude de ce genre de créations chez nous mais il faut clairement s’en réjouir. Explorant le sexisme, le patriarcat, les mécanismes de séduction, les émotions au sens large, Les Waitress sont tristes, intégrant efficacement le langage des signes québécois grâce à la traduction d’une des waitresses, Natacha Thompson, est un spectacle qui nous amène ailleurs. Un ailleurs que l’on gagne à découvrir et qui nous ouvre les horizons sur plus que celui de Lucky Luke et son fidèle Jolly Jumper.



Les Waitress sont tristes

Idéation, écriture et co-mise en scène: Michael Nimbley

Co-mise en scène et alliée créative: Catherine Bourgeois

Interprétation et écriture de plateau: Anna Atkinson, Maryline Chery, Guillermina Kerwin, Michael Nimbley, Natacha Thompson, Anne Tremblay

Collaboration au texte: Pénélope Bourque

Conception des costumes et scénographie: Amy Keith

Conception sonore: Andréa Marsolais-Roy

Co-conception des éclairages: Audrey-Anne Bouchard et Flavie Lemée

Direction musicale: Anna Atkinson

Traduction et adaptation en LSQ: Natacha Thompson

Assistance aux costumes: Louise Pimprenelle Nicolas

Collaboration à la création: Stephanie Boghen, Tamara Brown et Angie Cheng

Direction technique et régie: Audrey Belzile

Répétitrice et régie de plateau: Aude Lachapelle

Audiodescription: Claudette Lemay et Connec-T

Consultation LSQ: Marie-Pierre Petit et Jennifer Manning

Production: Joe, Jack et John

Du 16 septembre au 1er octobre 2022 (1h10 sans entracte)

Mardi et mercredi à 19h, jeudi et vendredi à 20h, samedi à 16h

Espace Libre, 1945, rue Fullum, Montréal

Réservations : 514-521-4191

Photos : Vivien Gaumand

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