Théâtre: «Douze hommes en colère» de Reginald Rose: 1954 à 2025, toujours actuelle
- Yanik Comeau
- 14 sept.
- 5 min de lecture
par Yanik Comeau (Comunik Média / ZoneCulture)
Au fil de leurs quarante ans, les Productions Jean-Bernard Hébert ont connu plusieurs productions, plusieurs succès impressionnants, mais autant on a dit pendant des années que le TNM était la maison de Molière à Montréal, autant on peut honnêtement dire que Douze hommes en colère est la pièce fétiche de Jean-Bernard Hébert. La compagnie a monté la pièce une première fois en 2000 et a connu un succès monstre avec la même traduction qu’avait faite le metteur en scène Claude Maher pour la Compagnie Jean-Duceppe en 1987. En 2025, pour célébrer à la fois les 40 ans de sa compagnie et les 25 ans de sa première production de cette pièce, Jean-Bernard Hébert a proposé à son fidèle metteur en scène des dernières années, Alain Zouvi, de revisiter son classique avec une nouvelle traduction, une nouvelle mise en scène et une (presque toute) nouvelle distribution.

Penser que cette pièce de l’auteur états-unien Reginald Rose écrite en 1954, présentée en téléthéâtre chez nos voisins du sud (dans le temps qu’on les aimait encore) et adaptée au cinéma dans une première réalisation de Sydney Lumet en 1957 est poussiéreuse et archaïque, serait une grave erreur. Cette pièce, que le comédien Raymond Bouchard (qui a fait partie d’une des distributions des productions de Jean-Bernard Hébert) a qualifiée «d’un des grands classiques du 20e siècle», est en effet non seulement un des plus grands textes de la dramaturgie états-uniennes aux côtés de chefs d’œuvre de Tennessee Williams, Thornton Wilder, Eugene O’Neill et Arthur Miller, mais en réalité beaucoup plus (tristement) actuelle que plusieurs des pièces des autres auteurs que je nomme ici.

Les éléments qui pourraient être «poussiéreux» sont le fait qu’aujourd’hui, on n’aurait pas – ni aux États-Unis, ni au Canada – un jury composé exclusivement d’hommes. Bien qu’il y avait des femmes sur les jurys aux États-Unis dans les années 50, il y en avait certainement moins que maintenant. La pièce dépeint également un niveau de machisme qui existe toujours mais qui serait contrebalancé davantage si on écrivait une telle pièce aujourd’hui. À la limite, certains des personnages de Twelve Angry Men seraient, si on les campait dans l’ici et le maintenant, des caricatures du mâle alpha qui fait un triste comeback par les temps qui courent.

C’est une des raisons pour laquelle la pièce est toujours actuelle. Elle l’est aussi parce qu’à l’ère de Trump 2.0, pendant que l’empathie et la compassion sont en baisse, l’iniquité sociale, les préjugés envers les citoyens de la basse classe moyenne ou de milieux défavorisés et la haine sont en pleine ascension.
Cela étant dit, monter Douze hommes en colère telle quelle en la transposant en 2025 serait une grave erreur. Jean-Bernard Hébert et Alain Zouvi ont choisi de la camper clairement dans son époque, comme une vignette vintage tout en gardant en tête que ces personnages – plusieurs plus grands que nature – résonnent encore dans notre société actuelle.
Comme à son habitude, Jean-Bernard Hébert n’a pas froid aux yeux. Monter une pièce à treize comédiens (oui, parce qu’il y a aussi le jeune constable dont on ne parle pas mais qui fait un travail important) et l’amener en tournée pendant plus de trois mois, ça prend un sacré culot. Pour se faire, le producteur et le metteur en scène ont rassemblé une distribution qui réunit des vétérans connus et moins connus, des comédiens plus jeunes qui ont fait leurs preuves sur les planches mais qui sont moins connus du grand public, créant ainsi un mariage impressionnant et réussi.
D’une part, quel plaisir de retrouver Jean-Pierre Chartrand sur scène, lui qui avait joué le rôle de Martin Balsam dans le film (le juré no. 1) en 1987 chez Duceppe et qui revient maintenant dans le rôle que monsieur Duceppe lui-même avait joué à l’époque. Chartrand est touchant, drôle, fort dans ce personnage pivot. Il faut aussi souligner les performances électrisantes de Claude Prégent (le rôle que Henry Fonda avait joué au grand écran), Hugo Giroux (qui remplit magnifiquement les chaussures chaussées préalablement par Raymond Bouchard et Vincent Bilodeau, rien de moins!), le puissant Claude Despins et Jean-Bernard Hébert qui est le seul à reprendre son rôle mais dans cette nouvelle traduction.
Mais les jeunes (et de moins en moins jeunes), moins connus du grand public, sont tout aussi impressionnants. Parce qu’ils sont déjà des acteurs de théâtre expérimentés, plusieurs étant même des spécialistes des personnages de composition. On se régale du jeu de Sébastien Dodge et d’Étienne Pilon tout autant que des performances d’Ariel Ifergan, Maxime Isabelle, Marc-André Poliquin et Philippe Thibault-Denis. Pour ma part, Olivier Berthiaume qui incarne le juré no. 2, celui qui amène souvent la légèreté mais qui ne tombe jamais dans la caricature, est la révélation du spectacle. Il est tout simplement formidable ! Avec le décor de Jean Bard, les costumes de Daniel Fortin et la musique de Christian Thomas, on replonge dans les années 1950 chez nos voisins du sud et on se laisse porter par ce texte finement ciselé qui ne laissera personne indifférent. Du grand théâtre accessible… comme Jean Duceppe et Jean-Bernard Hébert ont toujours su le porter aux gens.
Douze hommes en colère de Reginald Rose Adaptation et mise en scène: Alain Zouvi Assistante à la mise en scène: Jacinthe Racine Avec Philippe Thibault-Denis, Olivier Berthiaume, Hugo Giroux, Jean-Bernard Hébert, Maxime Isabelle, Claude Despins, Sébastien Dodge, Claude Prégent, Jean-Pierre Chartrand, Étienne Pilon, Ariel Ifergan et Marc-André Poliquin Conception Décor: Jean Bard Conception Costumes: Daniel Fortin Conception sonore: Christian Thomas Conception Lumières et direction technique: Pier-Luc Legault Accessoires: Marc-Antoine Rioux Direction de production: Dylan Fréchette Les Productions Jean-Bernard Hébert (durée: 2 heures sans entracte) Photos: Joe Alveiro Tournée: Du 26 au 31 août 2025 Théâtre Le Patriote (Sainte-Agathe-des-Monts)
12 septembre 2025 Château Scènes (Châteauguay)
13 septembre 2025 Théâtre Outremont (Outremont)
19 et 20 septembre 2025 Salle L’Odyssée – Maison de la Culture (Gatineau)
26 septembre 2025 Théâtre de Rougemont (Rougemont)
27 septembre 2025 Valspec – Salle Albert-Dumouchel (Salaberry-de-Valleyfield)
1er octobre 2025 Théâtre Télébec (Val d’Or)
2 octobre 2025 Théâtre des Eskers (Amos)
3 octobre 2025 Théâtre du Cuivre (Rouyn-Noranda)
4 octobre 2025 Théâtre du Rift (Ville-Marie)
16 octobre 2025 Espace Le Vrai Monde? (Ahuntsic)
17 octobre 2025 CO-MOTION (Laval)
21 octobre 2025 Théâtre Hector-Charland (L’Assomption)
25 octobre 2025 Marché des Arts Desjardins (Sorel)
26 octobre 2025 Théâtre Gilles-Vigneault (Saint-Jérôme)
28 octobre 2025 Maison des Arts Desjardins (Drummondville)
2 novembre 2025 Théâtre Desjardins (LaSalle)
4 novembre 2025 Centre Culturel (Sherbrooke)
5 novembre 2025 Scène Desjardins de la Salle Montignac (Mégantic)
7 novembre 2025 Culture Shawinigan (Shawinigan)
8 novembre 2025 Théâtre C (Saguenay)
9 novembre 2025 Salle Albert-Rousseau (Sainte-Foy)
13 novembre 2025 Centre des Arts (Saint-Hyacinthe)
15 novembre 2025 Centre des Arts Desjardins (Joliette)
19 novembre 2025 Alma Spectacles (Alma)
20 novembre 2025 Dolbeau
21 novembre 2025 Auditorium La Porte-du-Nord (Chibougamau)
22 novembre 2025 Roberval
26 novembre 2025 Le Carré 150 (Victoriaville)
29 novembre 2025 Culture 2R (Trois-Rivières)
30 novembre 2025 Le Complexe culturel Félix-Leclerc (La Tuque)
4 décembre 2025 Diffusion Mordicus (Amqui)
5 décembre 2025 La Salle Comble (Sainte-Anne-des-Monts)
6 décembre 2025 New Richmond
9 décembre 2025 Théâtre du Vieux-Terrebonne (Terrebonne)
13 décembre 2025 Salle Méchatigan (Sainte-Marie-de-Beauce)




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